ACTE 1 Scène 1 :
Salle d’interrogatoire
(Viktor
Vesely, l’inspecteur Clive Russel en voix off)
Viktor
Vesely est assis. Ses mains sont menottées à la table de la salle
d’interrogatoire. Il est torse nu, sans chaussures et porte une couverture sur
les épaules. Il semble en état de choc.
Un
panneau avec une vitre se trouve derrière lui.
Il
s’exprime avec un accent des pays de l’Est. L’inspecteur sera uniquement en
voix off pour cette scène.
Viktor : Ce
n’est pas moi qui l’ai tué. C’est l’autre.
Un temps. Il regarde fixement face
public.
Inspecteur Russel : Qui
est l’autre ?
Viktor : Je
ne peux pas vous le dire.
Inspecteur Russel : Pourquoi ?
Viktor : Parce
qu’elle ne veut pas
Inspecteur
Russel : Qui ça elle ?
Silence.
Viktor : Connaissez-vous
l’histoire du Chaperon rouge ?
Silence.
Inspecteur Russel : A
trois heures quarante du matin la nuit dernière. Le personnel de service a
entendu des bruits de lutte et a retrouvé le corps de Miss Elizabeth Pfeiffer. Assassinée
dans la chambre de son hôtel particulier en plein cœur de la Nouvelle-Orléans
Viktor : Ce
n’est pas moi qui l’ai tué. C’est l’autre.
Inspecteur Russel : La
majordome vous a retrouvé dans la
rue en bas du même hôtel. Inanimé, complètement nu et couvert de sang. Ce
n’était pas le vôtre et j’attends les résultats du labo mais je suis certain
que c’est celui de Miss Pfeiffer.
Viktor : Je
ne me souviens pas de cette nuit.
Inspecteur Russel : Vous
l’avez tué.
Viktor : Je
n’ai pas pu la tuer.
Inspecteur Russel : Pourquoi ?
Viktor : Je
l’aimais.
Un temps.
Inspecteur Russel : Vous
allez finir sur la chaise électrique, Vesely. Je vous le promets.
Noir.
Rideau.
Une jeune femme avec une
capeline rouge et une robe blanche entre dans la salle au niveau du public,
elle porte un petit panier avec une serviette couvrant son dessus. Son visage
reste caché sous la capuche.
Diane
Il était une fois une petite fille du village,
la plus jolie qu’on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand
plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui
lui seyait si bien, que partout on l’appelait le petit chaperon rouge. (Un temps puis de manière ironique) Vous
croyez vraiment connaitre ce conte ?
Elle se déplace au milieu de la salle vers la scène mais s’arrête au
bord.
Diane
La petite fille était orpheline…et n’avait
jamais connu sa mère. Mais sa Mère-Grand adoptive en était folle, folle au point d’en être
malade…Pour qu’elle aille mieux, elle devait lui apporter une galette et un
petit pot de beurre régulièrement…plus quelques plats créoles dont elle
raffolait…après tout nous étions à la Nouvelle Orléans.
Elle émet un petit rire puis sort par la scène.
ACTE 1 Scène 2 : Couloir du poste de police
(Le Dr Toby Bones, l’inspecteur Clive
Russel, Viktor Vesely)
L’inspecteur
Russel est installé devant la vitre. Tout en observant Vesely, il allume une
cigarette. Un petit homme en imperméable et portant une serviette en vieux cuir
arrive de fond de scène, trempé par la pluie. Il ne tarde pas à rencontrer
l’inspecteur.
Dr Bones : Ah !
Inspecteur Clive Russel, je suppose.
Inspecteur Russel : Tout
juste.
Dr Bones : Docteur
Toby Bones. Vous m’avez fait appeler il y a une heure.
Ils se serrent la main.
Inspecteur Russel : Content
que vous ayez pu venir malgré cet orage. Et les journalistes dehors.
Dr Bones : Orage
qui semble vouloir tourner à la tempête. Les journalistes se sont pour la plupart
mis à l’abri.
Inspecteur Russel : Désolé
pour l’heure tardive. On vous a expliqué
de ce dont il s’agit ?
Dr Bones : Oui,
oui…mais je ne vois pas en quoi je vais pouvoir vous… (Son regard tombe sur Vesely derrière la vitre) Mon Dieu…alors c’est
lui ?
Inspecteur Russel : C’est
lui.
Un temps. Le Docteur Bones se débarrasse
de sa serviette et de son imperméable qu’il pose sur la chaise.
Dr Bones : Je
suis surpris. La presse parle de pratiques vaudous et…enfin, il ne correspond
pas au genre de personnes qui…
Inspecteur Russel : La
presse raconte n’importe quoi.
Dr Bones : Ah ….
Inspecteur Russel : Cet
enfoiré a … décapité Miss Pfeiffer.
Un temps.
Dr Bones : Décapitée…Mon
Dieu…
Inspecteur Russel : Dieu
n’était pas avec elle ce soir là et cela n’a rien à voir avec ces conneries de
vaudou.
Dr Bones : Inspecteur
... Qu’est-ce que vous attendez de moi ?
Inspecteur Russel : Y’a
un truc qui ne tourne pas rond. Je ne sais pas ce que c’est et ça me tape sur
les nerfs.
Dr Bones : Quoi
donc ?
Inspecteur Russel : Dites-moi
d’abord ce que vous savez sur Miss Pfeiffer…
Dr Bones : Hé
bien, elle était connue à la Nouvelle-Orléans. Riche héritière de plusieurs
hôtels, une grande plantation de coton au nord de Bâton-rouge et des soirées
mondaines des plus réussies dans son propre hôtel résidentiel, situé dans le
Quartier Français.
Inspecteur Russel : Vous
y avez été convié vous aussi ?
Dr Bones : Quelques-unes…
trois peut-être quatre. Toute personne qui a un niveau social élevé à la
Nouvelle-Orléans y a été invitée au moins une fois.
Inspecteur Russel : Je
ne vous y ai jamais croisé. (Le Docteur
Bones semble surpris, l’inspecteur a un petit sourire) Toute personne qui a un niveau social élevé y a été invitée au
moins une fois…Parlez-moi de l’autre Miss Pfeiffer.
Dr Bones : Sa fille ?
Inspecteur Russel : Oui.
Vous avez été son psychiatre, n’est-ce pas ?
Dr Bones : Oui
mais…Le secret professionnel, vous savez…
Inspecteur Russel : Ne
venez pas me faire chier avec ça, Docteur.
Dr Bones : Pardon ?
Inspecteur Russel : J’ai
un cadavre sans tête sur les bras. Et sa fille Diane est l’unique héritière
d’une grosse fortune. J’ai besoin de savoir si elle aurait pu être liée de près
ou de loin à son meurtre.
Dr Bones : Cette
enfant ? Non, non…elle était perturbée mais…
Inspecteur Russel : Mais ?
Dr Bones : C’est
sa fille adoptive.
Inspecteur Russel : Oui,
je le sais. Elle l’a adopté il y a 10 ans à Memphis, peu de temps après la mort
de Madame Gabrielle Pfeiffer, je connais leur histoire par cœur, mais la fille,
cette gamine est une énigme pour moi.
Dr Bones : Elle
a soudain perdu pied. Elle s’est mise à en vouloir à sa mère. Elle racontait
des choses innommables, fantasques et délirantes.
Inspecteur Russel : Comme
quoi ?
Dr Bones : Je
ne peux rien vous dire de plus, Inspecteur. Si vous connaissez si bien
l’histoire de leur famille, vous savez qu’il y a de quoi déraisonner. C’est à
croire que le sort s’est acharné sur eux. Mais elle ne peut pas l’avoir tuée.
Pas de cette façon, je vous l’assure. (Un
temps) Où est-elle d’ailleurs ? Elle sait pour sa mère, je
suppose ?
Inspecteur Russel : Oui.
Elle jouait au théâtre cette nuit-là mais son chauffeur l’a ramené à leur
propriété à Bâton-Rouge.
L’inspecteur tire sur sa cigarette en
observant Vesely.
Inspecteur Russel : Il
dit que ce n’est pas lui.
Dr Bones : Ce
pourrait être le cas ?
Inspecteur Russel : Non.
Je sais que c’est lui. Le personnel de
la famille Pfeiffer, je les connais toutes et tous. Elizabeth les a toujours
traités avec beaucoup d’égard. C’est
forcément lui mais il a un souci. Comme un traumatisme ou un dédoublement de
personnalité. J’aimerais votre avis.
Dr Bones : Ça
risque d’être difficile d’ici.
Inspecteur
Russel : Je vais retourner le
voir d’ici peu. Vous allez m’accompagner.